Il Ă©tait une fois…

Il Ă©tait une fois une femme tout juste retraitĂ©e. Qu’allait-elle faire de sa vie ?

Marche aujourd’hui, marche demain, elle enfile ses chaussures, attrape le vieux bâton de son père, c’est comme si ce dernier lui tenait encore la main et hop ! En route… Elle va longer la mer jusqu’Ă  la commune d’Ă  cĂ´tĂ© oĂą elle se baignera, dĂ©gustera une glace au petit bistrot et prendra le frais dans la petite chapelle. Surtout, elle rĂ©flĂ©chira !

Il fait grand soleil. La mer n’est que lumière. Un grand miroir. Elle se baigne dans sa crique prĂ©fĂ©rĂ©e. L’eau est presque chaude ! En Bretagne ? Oui, absolument ! Elle s’allonge sur sa serviette pour se sĂ©cher. Elle a fabriquĂ© un coussin de sable pour sa tĂŞte, un autre lĂ©gèrement plus haut pour ses pieds. Elle s’endort. Un tel sens du confort amuse sa voisine, qui s’est mise Ă  l’observer discrètement. Soudain, celle-ci voit sortir de sa bouche un minuscule papillon aux ailes argentĂ©es. Il vole jusqu’aux rochers derrière elles. Il disparaĂ®t dans les cavitĂ©s puis ressort, s’en va derrière, rĂ©apparaĂ®t, comme s’il visitait les lieux. Puis, il retourne dans la bouche de la dormeuse. Celle-ci se rĂ©veille et, ouvrant les yeux, voit cette dame qui la regarde.

- ça fait longtemps que je dors ? demande-t-elle, un peu gênée.

- non mais profondément ! Où étiez-vous partie ?

C’est drĂ´le, continue la jeune retraitĂ©e encouragĂ©e. J’ai fait un rĂŞve. Je marchais en plein milieu d’un marĂ©cage. A perte de vue, de l’herbe et une mince couche d’eau par-dessus. Comme un miroir. Tout Ă  coup, j’ai aperçu un arbre. Je me suis approchĂ©e. C’Ă©tait un pommier. Contre son tronc Ă©tait assise une petite fille. C’Ă©tait moi, enfant. La petite fille-moi m’a souri : tu as l’air fatiguĂ©e, entre dans mon ventre. A cet instant, un courant d’air m’a soulevĂ©e et m’a fait entrer dans sa bouche. Dans son ventre, il y avait le temps. Je me suis promenĂ©e dans tous les âges de ma vie. Puis je me suis retrouvĂ©e devant un manège au milieu d’une fĂŞte foraine. Des enfants chevauchaient des nuages, la lune, le soleil, des planètes, des Ă©toiles et tournaient, tournaient, tournaient… A la caisse se tenait une vieille gitane. Elle m’a fait signe de venir. Elle me parlait mais, avec la musique, je ne l’entendais pas. Alors que j’arrivais Ă  portĂ©e de sa voix, un souffle m’a de nouveau emportĂ©e et je me suis rĂ©veillĂ©e. Que voulait-elle me dire ?

-Ça alors, c’est Ă©trange, a rĂ©pondu sa voisine. Un petit papillon est sorti de votre bouche. C’Ă©tait votre âme ? Il a voletĂ© ici et lĂ  derrière les rochers.

La jeune retraitĂ©e s’est levĂ©e. Elle a cherchĂ©, fouillĂ©, dĂ©placĂ© quelques galets. Quand elle est revenue sur le sable, elle tenait dans sa main un morceau de papier enroulĂ© comme un petit parchemin. Elle l’a dĂ©roulĂ©. Dessus c’Ă©tait Ă©crit :

Quel est ton rĂŞve ? C’est pour quand ? Qu’est-ce que t’as fait aujourd’hui pour ton rĂŞve ? En quoi ton rĂŞve est bon aussi pour les autres ?

Ce qui la fait courir ?

Sans les histoires, la terre serait  trop petite, la vie trop courte et l’homme manquerait sĂ©rieusement d’envergure ! Quand le hĂ©ros du conte n’a pas de travail, il s’en va faire le tour du monde, pas moins ! En guise d’embauche, il Ă©pouse la fille du roi et se retrouve ni une ni deux Ă  la tĂŞte d’un royaume oĂą il sera forcĂ©ment heureux… Dans les contes, le plus invraisemblable est crĂ©dible parce que la parole du conteur ne tient qu’à un fil… comme la vie ! Un fil tendu entre lui et l’auditoire, entre le prĂ©sent et l’intemporel, entre le rĂ©el et l’imaginaire. Un fil sur lequel glissent ensemble comme des funambules, les protagonistes de l’ici-maintenant. lire la suite… Voir le masterclass de Gigi Bigot Ă  la Maison du Conte de Chevilly-Larue

Entre deux portes

la_mere_et_la_fille.jpg la_mere_et_la_fille Quelle est la principale qualitĂ© d’un conteur ? Quel est son principal dĂ©faut ? Principale qualitĂ© d’un conteur : la prĂ©sence ; principal dĂ©faut : la suffisance.

Quel est le conte de votre vie? La Belle et le Monstre : “je ne sais pas oĂą je vais et j’ai peur” Quel est le conte que vous ne raconterez jamais et pourquoi ? Fermez-moi la goule le jour oĂą je prĂŞcherai au lieu de conter ! Qu’est-ce le conte ? Le conte, c’est ce qui rend la vie plus intĂ©ressante que le conte. Vous racontez-vous des histoires ? J’espère que non ! La scène me suffit. Quelle part accordez-vous au silence ? J’accorde au silence la part de mettre en musique et en relief la parole, une part de malice aussi et celle de ne pas “bourrer” les oreilles du public. Quel genre de parole et de conteur vous touche ? Il n’y a pas pour moi un genre particulier. C’est celui qui allume mon cinĂ©ma, qui m’emporte, qui me fait rire, ou qui m’Ă©meut… du vivant quoi ! Quelle sorte de menteur ĂŞtes-vous ? Menteur ? Conteuse. Si vous Ă©tiez un objet, quel objet seriez-vous ? Une fenĂŞtre. Si vous Ă©tiez un plat, quel plat seriez-vous ? Un philosophe (c’est un plat qu’on invente en fonction des ingrĂ©dients qui nous restent des menus rĂ©alisĂ©s pendant la semaine). Qu’attendez-vous de la vie ? Beaucoup de rĂ©gals : des petits et des grands au “tous les jours” et avec le temps, la cohĂ©rence de mon chemin. Quel est votre rĂŞve d’enfant ? votre cauchemar ? Mon rĂŞve d’enfant Ă©tait d’avoir une maison avec un escalier (sinon ce n’est pas une maison), d’avoir six enfants dedans et d’ĂŞtre missionnaire laĂŻque ! J’ai une maison avec deux escaliers, une fille qui en vaut six, et je ne suis pas missionnaire laĂŻque ! Merci la vie… Mon cauchemar qui revient tout le temps : je dois aller en Russie, je n’arrive jamais Ă  partir Ă  cause des horaires etc. Toute interprĂ©tation sera la bienvenue. Vous sentez-vous de quelque part ? SĂ»r : de la Bretagne rurale et populaire mais d’une Ă©poque aussi : enfance des annĂ©es 50 et jeunesse des annĂ©es 70, du cĂ´tĂ© des petites filles… gigi_enfant.jpg Quel pouvoir souhaiteriez-vous exercer ? Un pouvoir de magicienne : faire que les gens puissent s’accrocher Ă  leur morceau de lune. Vous avez une soirĂ©e devant vous oĂą tout est possible.  Qu’en faites-vous ? Aucune ambiguĂŻtĂ© : le don d’ubiquitĂ©. Qu’est-ce que sĂ©duire ? SĂ©duire ? Rencontrer m’intĂ©resse bien davantage. Que reprĂ©sente pour vous L’Ă©lĂ©gance ? Je prĂ©fère Ă  ce mot celui de dignitĂ© qui est l’Ă©lĂ©gance par rapport Ă  soi-mĂŞme et non par rapport aux autres. Qu’est-ce que la perfection ? La perfection ? Au secours, je fuis.

LA GRANDE OREILLE